Le
développement des « clusters » polarise de plus en plus l’intérêt des
acteurs économiques et des planificateurs algériens en quête d’un outil
d’intégration régional, de développement des territoires et des industries
locales.
Globalement,
ancré dans le territoire, le cluster permet d’agglomérer autour d’une filière
les acteurs économiques et institutionnels de la région pour améliorer la
compétitivité et l’innovation. En premier projet, les acteurs du cluster de
Biskra viennent d’opter pour la création d’une « Entreprise de fractionnement de la datte» dont le
marché serait le développement et la production de produits dérivés de la datte.
Les
promoteurs institutionnels de cette initiative se basent sur l’hypothèse, pour
le moins infondée, de la possibilité de mettre en relation deux clusters,
prétendument fonctionnels, ayant « de solides assises juridiques et
administratives », celui de la boisson et des dattes (Production des jus
de dattes).
Or,
les expériences internationales montrent que l’implémentation des clusters
exige du temps et des compétences spécifiques souvent peu disponibles au niveau
des pays en développement notamment. Leur efficience suppose que soient réunies
des conditions préalables, à savoir :
§
Un
Etat facilitateur et régulateur efficace.
§
Un
cadre macroéconomique et institutionnel efficient et sain.
§
Une
gouvernance locale flexible qui aménage aux municipalités des conditions
favorables en termes de pouvoir et d’autonomie de décision et de mobilisation
des ressources financières.
§
Un
système national d’innovation cohérent et solide qui implique, notamment, la
mise en œuvre d’une politique dédiée à l’innovation et au développement t
technologique.
L’approche
«Cluster» est pour le moins récente en Algérie. Celle-ci transparait,
notamment, à travers la stratégie industrielle mise en œuvre par le ministère de
l’industrie, les politiques agricoles et rurales initiées par le Ministère de
l‘agriculture et du développement rural et le Schéma National d’Aménagement du
Territoire (SNAT 2025). Ces initiatives sont trop récentes pour pouvoir tirer
un quelconque enseignement quant à leur mise en œuvre effective sur le terrain.
Mais des constats peuvent être faits.
En
premier lieu, le rythme de progression du processus de développement des
clusters reste lent en Algérie. Toutes les initiatives sont pilotées par les
administrations et les institutions publiques avec un très faible niveau
d’implication de la sphère économique et de la recherche-développement. En
second lieu, la volonté politique de développer les clusters ne s’accompagne
pas de la mise en place d’un cadre macroéconomique et institutionnel favorable,
d’une politique d’innovation à proprement dit et, d’une façon générale, d’un
climat des affaires incitatif favorable à l’entreprenariat et aux PMEs.
Un
examen sommaire de la structure et du fonctionnement des acteurs de la triple
hélice en Algérie permet de rendre compte des difficultés à réunir les
conditions favorables au développement des clusters et de PMEs innovants en
Algérie :
§
Les entreprises
algériennes, les PMEs notamment, sont très peu motivées par l’innovation à
l’exception de quelques initiatives liées aux grandes entreprises de
l’agroalimentaire.
§
La
fragilité des organisations professionnelles constitue une contrainte de taille
à la structuration des clusters. C’est ce qui explique d’ailleurs que la majorité
des initiatives de clusters soient le fait des institutions publiques.
§
Les
acteurs de la recherche scientifique ne s’intéressent qu’accessoirement aux
activités d’innovation et de valorisation économique des résultats de la
recherche. Dans le contexte actuel, ces activités ne constituent pas un facteur
de motivation des chercheurs notamment pour la progression de leur carrière.
§
Les
collectivités territoriales sont encore moins motivées du fait qu’elles ne
disposent pas de l’autonomie de décision et de la capacité à mobiliser des
ressources financières propres pour soutenir des initiatives de clusters au
niveau de leur territoire.
Par
ailleurs, le développement des clusters suppose au préalable un climat des
affaires favorable au développement des entreprises, des PMEs en particulier,
et de leurs organisations de représentation. Ce sont les entreprises et les
acteurs économiques qui sont les véritables acteurs-moteurs des clusters seuls
à même de traduire les demandes du marché, de valoriser les ressources et le
capital social du territoire.
La
construction des clusters ne saurait se décréter ou faire l’objet d’un
transfert mécanique à partir des expériences européennes. C’est un processus
complexe de long terme nécessitant la mobilisation des acteurs de la
« triple hélice » (PMEs et entreprises, institutions publiques et
administrations territoriales et la recherche-développement). Elle requiert que
des acteurs économiques autonomes, évoluant dans un contexte économique assaini
et une matrice institutionnelle adéquate, soient les porteurs du projet
« Cluster ». Qu’ils s’en approprient la dynamique et les objectifs.
Le développement des clusters exige, enfin, et surtout, un cadre juridique et
institutionnel, qui n’existe pas encore en Algérie, qui permettra aux acteurs
de s’organiser et d’ériger le cluster lui-même en entité juridique autonome
susceptible de mobiliser les acteurs, les financements ainsi que les
partenariats nationaux et internationaux.
Créer
une entreprise est une chose, faisable et louable au demeurant, mais développer
un cluster est un processus autrement plus complexe qui interpelle, avant tout,
les acteurs de la région et le projet de territoire dont ils sont les porteurs
potentiels.
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